Postvention du suicide

La postvention du suicide est la ligne de conduite suggérée aux particuliers et aux groupes après la perte tragique d’une personne par suicide. La postvention peut inclure un soutien individuel et de groupe, un soutien par les pairs et du counseling professionnel. Les premières études montrent que les postventions facilitent le processus de deuil et réduisent l’incidence du deuil compliqué, des idées suicidaires et d’une mauvaise adaptation à la perte.

Le projet de procédures opérationnelles normalisées (PON) de prévention du suicide a été conçu pour élaborer une ligne directrice ou un modèle qui serait utile aux services d’incendie en général. Nous sommes conscients que la prévention du suicide est préférable, mais les statistiques montrent que le suicide n’a encore été complètement évité dans aucun pays ni dans aucune profession, de sorte que la postvention est également nécessaire. Notre objectif est de disposer d’un document que les services d’incendie de différentes tailles pourraient utiliser pour créer leurs propres procédures et éventuellement des politiques de pratiques exemplaires après le décès par suicide d’un pompier. Nous avons commencé le projet avec des PON rédigées par l’unité du service de counseling des pompiers de la ville de New York. Le document que vous lisez aujourd’hui est le résultat final de ces groupes.

PON pour la postvention du suicide dans les services d’incendie

Il est essentiel de se préparer à l’éventualité d’un suicide et de disposer de procédures opérationnelles normalisées pour la postvention afin d’aider les personnes à faire face aux conséquences d’un suicide. Bien qu’il puisse être nécessaire de modifier les PON de chaque service d’incendie pour se conformer à la politique existante du service, le protocole suivant a été conçu afin de servir de guide général pour la prévention du suicide au sein des services d’incendie. Ce premier document, qui se veut un mode d’emploi, est accompagné d’un document didactique présentant les choses à faire et à ne pas faire, les mythes sur le suicide et les ressources en ligne.

Buts et objectifs de la postvention du suicide

Les buts et objectifs de la postvention du suicide pour les membres du service incluent les suivants :

  • atténuer le traumatisme et les effets connexes de la perte;
  • prévenir l’apparition d’un deuil négatif ou compliqué, défini comme un sentiment de perte débilitant qui ne s’améliore pas avec le temps;
  • réduire la stigmatisation et l’isolement social qui peuvent résulter de la perte d’un membre par suicide;
  • minimiser le risque de nouveaux comportements suicidaires.
Étape 1 : Procédures de notification
  1. La procédure de notification doit suivre la chaîne de commandement existante et comporter des instructions protocolaires concernant les personnes qui doivent y participer. Le décès par suicide doit être traité avec la même précision que tout autre décès dans le service d’incendie, et les procédures de notification doivent être conformes aux politiques existantes (voir la politique n°___, décès en service).
  2. Il n’y a pas de règles universelles déterminant qui doit faire quoi, car les types de personnes disponibles et désireuses de participer au processus de postvention diffèrent dans chaque service. Il est recommandé de convoquer une réunion d’entreprise dès que possible (dans les 24 heures, dans tous les cas) afin d’informer les pompiers, de leur fournir des ressources, des références, des indications sur la manière dont ils peuvent aider les membres de la famille et leurs collègues, et de leur laisser le temps d’assimiler l’information.
  3. Avec l’autorisation de la famille, les faits relatifs au suicide doivent être exposés aussi clairement que possible afin de limiter les rumeurs. Toutefois, ces informations doivent être communiquées de manière respectueuse et non glorifiée (voir les choses à faire et à ne pas faire dans le matériel pédagogique).
  4. L’annonce au service devrait être accompagnée d’un numéro de téléphone ou d’une ligne d’assistance que les pompiers peuvent appeler pour obtenir de l’aide.
  5. Déterminez le protocole concernant les médias sociaux. Décidez ce qu’il est acceptable pour le service de publier et pour les pompiers individuels.
Étape 2 : Déterminer qui participera
  1. Désignez un chef d’équipe pour coordonner l’intervention en cas de suicide dans le service d’incendie. Il peut s’agir d’une personne ayant une expérience en counseling ou un long passé dans le service d’incendie.
  2. Les médecins, les unités de counseling, les programmes d’aide aux employés (PAE), les aumôniers, les dirigeants, la police, les responsables syndicaux, la sécurité et d’autres services clés doivent se voir attribuer des rôles spécifiques et recevoir des instructions sur les activités auxquelles ils doivent participer dans le cadre de l’élaboration des PON de chaque service.
  3. Désignez dans le service un agent de liaison qui répondra aux familles.
  4. Désignez une équipe de soutien ou de pairs-conseillers pour les agents de liaison et les pompiers, afin qu’ils puissent obtenir de l’aide en cas de besoin.
Étape 3 : Intervenir après un suicide

L’intervention en cas de suicide dépend de l’endroit où il a eu lieu et des caractéristiques du membre concerné. Par exemple, bien que cela arrive rarement, les procédures seront très différentes si un membre actif s’est suicidé dans les quartiers que si un membre actif ou un retraité s’est suicidé ailleurs.

  1. Dans les quartiers : L’intervention en cas de décès par suicide dans les quartiers sera traitée de la même manière que l’intervention dans tout autre type de situation d’urgence. Les pompiers appellent le 911, évaluent les signes vitaux et tentent une réanimation si possible.
  2. En dehors des quartiers : L’intervention en cas de décès par suicide en dehors des quartiers comprend des procédures de notification et des protocoles d’intervention au service, à l’hôpital ou au domicile de la victime.
Étape 4 : Répondre à la famille
  1. Questions financières : L’agent de liaison désigné doit préparer un document décrivant les prestations que la famille recevra après le décès de leur être cher. L’assurance et les prestations liées au service sont souvent une source de stress après un suicide, et le fait de disposer d’informations claires contribuera à dissiper l’anxiété et à donner aux membres de la famille des attentes précises. Le suicide n’étant pas systématiquement considéré comme un décès en service, certaines prestations peuvent être limitées.
  2. Détails des funérailles : Dans l’idéal, le taux de présence à la suite d’un suicide ne devrait pas être différent de celui des autres types de décès pour les pompiers. Cependant, les funérailles constituent un moment extrêmement critique pour le deuil, tant pour la famille que pour les membres du service, et il convient de veiller tout particulièrement à respecter les sentiments de la famille. Les funérailles sont l’occasion d’apporter un soutien social et de réduire la stigmatisation si elles sont bien gérées. Bien que l’isolement des personnes en deuil soit déconseillé, il faut veiller à ce que les membres vulnérables de la famille en deuil ne soient pas dérangés. Si possible, proposez à la famille des options de cérémonie et encouragez les membres du service à y assister.
  3. Aide du service : Le protocole établi au FDNY après le 11 septembre a consisté à désigner un ou deux membres pour servir d’agent de liaison ou de personnes-ressources pour les familles endeuillées afin de répondre à leurs besoins au sein du service. Cette sagesse a permis une meilleure adaptation à la perte, tant pour la famille que pour les confrères et consœurs du service d’incendie. Les services qui intègrent cet aspect dans les PON doivent fixer des limites et des attentes afin que les agents de liaison puissent maintenir un équilibre dans leur propre vie et établir des protocoles pour gérer les interactions difficiles (par exemple, quand et où recommander aux membres de la famille de consulter un spécialiste de la santé mentale s’ils ont beaucoup de mal à s’adapter à la perte).
Étape 5 : Répondre aux membres du service
  1. À court terme : Les dirigeants se rendent à la caserne avec un aumônier, un agent de cérémonie et des pairs-conseillers, font un tour d’horizon de ce qui se passera au cours des prochains jours et font le point avec les membres et le capitaine.
  2. À plus long terme :
    1. Désignez un pair-conseiller pour la caserne. Au cours de la première semaine, le pair prend régulièrement des nouvelles des membres de la caserne afin d’essayer de communiquer avec le plus grand nombre possible de membres concernés. Au cours des mois suivants, il s’y rend une fois par semaine ou toutes les deux semaines pour faire de la sensibilisation. Il peut y avoir une période critique entre deux et quatre mois, lorsque les symptômes cliniques se développent.
    2. Déterminez l’« arbre généalogique » au sein du service : le réseau des personnes les plus proches du pompier qui s’est suicidé. Il peut s’agir de la caserne actuelle ou du quart de travail du pompier. Il pourrait également s’agir d’une ancienne caserne. L’établissement de cette liste permettra de mettre en relation les personnes les plus vulnérables à la suite du suicide avec les ressources et le soutien dont elles ont besoin.
    3. Mettez en place des méthodes de suivi après le suicide. Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour prendre contact avec les pompiers à la suite d’un suicide afin d’évaluer leur état de santé. Il peut être utile d’utiliser des documents d’auto-évaluation, de laisser des cartes de visite de pairs-conseillers à la caserne ou d’afficher des ressources de lignes d’écoute téléphonique ou de thérapie par téléphone, ou encore des sites Web offrant de l’aide en ligne. Si les résultats d’un questionnaire ou d’une évaluation révèlent un problème potentiel de santé comportementale, un soutien approprié doit être mis en place pour orienter le pompier vers un traitement. Dans tous les cas, il est essentiel de maintenir un lien avec les pompiers après une perte par suicide. Plus les pairs-conseillers et les autres membres du personnel de soutien en santé mentale interagissent avec les pompiers après un suicide, plus il est probable que les pompiers touchés obtiennent de l’aide s’ils en ont besoin.
    4. Préparez-vous à faire face aux émotions, comportements et croyances qui peuvent survenir après un suicide et à y réagir (tous les éléments suivants sont normaux et doivent être anticipés) :
      i. colère et honte;
      ii. frustration et incompréhension;
      iii. culpabilité;
      iv. deuil;
      v. comportements d’automédication;
      vi. croyance que le suicide est un signe de faiblesse.
Étape 6 : Réagir aux pompiers à risque

Il arrive que les signes d’un problème de santé comportementale après un suicide soient plus difficiles à gérer. Par exemple, un dépistage positif de drogues, un acte d’agression, un abus d’alcool ou une mauvaise performance au travail sont autant d’éléments qui suggèrent qu’un pompier peut avoir des difficultés à faire face à la perte. Dans ces situations, intervenir en sachant que ces comportements peuvent être liés à la difficulté du pompier à faire face à la perte peut éviter des mesures disciplinaires inutiles et permettre au pompier d’accéder au traitement dont il a désespérément besoin.

Étape 7 : Conclusion de la postvention

Après plusieurs semaines (ou selon la décision du service), mettez progressivement fin au processus de postvention.

  1. Organisez des rencontres avec les pompiers et les membres de leur famille afin d’avoir une discussion finale et de leur fournir des ressources s’ils ont besoin d’aide à l’avenir.
  2. Si la caserne ou la famille le souhaite, prévoyez des rendez-vous périodiques ou mensuels avec les pairs-conseillers ou les chefs d’équipe entre six mois et un an après le suicide.
  3. Insistez sur le fait que le deuil consécutif à un suicide peut être plus long à surmonter et que de l’aide est disponible en tout temps.
  4. Demandez au coordinateur de la postvention de continuer à consigner et à suivre tous les services de suivi fournis à la famille par le service.